FREI DRANG



L'encre de la plume qui glisse sur le papier est semblable au sang coulant dans mes veines.

 
 
CE QUI NOUS RESTE

Je hais les mots,
Qui au plus profond de nous
Restent enfouis,
Les sentiments
Qui s'entremêlent et somnolent,
Sans jamais être explicitement prononcés,
Sans jamais nos lèvres franchir.
Je hais ce silence,
Qui éloigne et enferme,
Qui brise et enchaîne,
De même que cette stupide fierté empêchant de crier,
Ce que l'on voudrait dire,
Prononcer et hurler,
Ne peut être seulement exprimé,
Car un mal être toujours en nous reste bloqué,
Alors je garde ma douleur,
Comme vous vous gardez la votre,
Alors je porte mon fardeau,
Comme un secret alourdissant mon âme,
Comme vous vous supportez les votres.
Je te hais toi,
Je hais les larmes,
De nos passé, de nos présents, de nos avenirs,
Qui amères, coulent le soir,
Sans plus finir,
Les blessures que certains voient sur eux fleurir,
Qui les attristent mais les délivrent,
Et enfin les font libres.
Je hais les Hommes et leurs limites,
Ils décident et toutes les frontières sont écrites,
Impossible fut le mot qu'ils inventèrent,
Pour s'empêcher de rêver,
Pour se contraindre dans une réalité.
Triste réalité à vrai dire,
Que celle que l'on nous sert;
Elle nous soulève le coeur,
Nous retourne l'âme en tout sens sans plus de manière,
Pour nous la faire recracher,
Souillée et déchiquetée.
Simple crime de lèse majesté,
Puis crimes contre l'humanité,
Simples marchands esclavagistes,
Puis devenu racistes,
Et plus tard encore antisémites,
Gosses des rues ou des banlieues,
Qui tels des chiens pour survivre doivent se battent entre eux,
Gamines débraillées et sans argent,
Qui tremblantes dans les rues vides de passants,
Abandonnent leurs coeurs en même temps que leurs corps,
Et qui par la suite iront dans les drogues s'oublier,
Pour un jour dans leur solitude ne plus se réveiller.
Malaises toujours plus nombreux,
Qui sans cesse évoluent,
Pauvreté, guerres et famines,
Enfances tuées, Génocides,
Adolescences troublées,
Qui frôlent la mort de bien trop près,
Maux cachés de notre société,
"Moi je vais bien ne t'inquiète pas"
Et derrière les vêtements la peau trouée, martyrisée,
Les cicatrices, le sang qui coule,
Rouge vif si beau, si attrayant,
Douleur du coeur devenant celle du corps,
Par une infime barrière franchie,
Par une simple ligne ayant déchiré la peau,
Rouge vif si beau, si attrayant,
Entraînant dans les profondeurs de l'abîme,
"Chez moi ça va bien aussi,
Tout est tranquille, c'est la routine"
Une routine qui pourrait tuer,
Car la peau tendue laisse apparaître les os,
L'envie de nourriture a disparu,
Remplacée par celle,
Irrésistible de s'envoler,
Toujours plus de légèreté pour encore plus de liberté,
Symbole pourtant d'un mal être caché,
Dissimulé sous les plus amples vêtements que l'on peut trouver.
Je hais le monde tel qu'on l'a fait,
La vie telle qu'on nous la montre,
La mort qui nous est trop inconnue;
Je ne vois que les larmes qui brûlent et tracent dans leurs sillons de feu,
Des marques sur les joues, indélébiles, indescriptibles,
Nos coeurs qui explosent,
D'amour, d'amitié,
De trop plein de sentiments,
Que l'on enferme parce qu'ils nous gênent.
Je hais, Je HAIS certes,
Bien des choses me direz-vous,
Trop sans doute, vous avez raison,
Mais si moi je peux apprécier la beauté de la rose,
Parce que j'en vois les pétales,
Comment ceux qui ne ressentent que la douleur de ses épines,
Pourraient-ils apprendre à ne pas la haïr,
Ceux qui n'ont peut-être jamais goûté,
Les caresses, les baisers  de chaque instant aimé,
Ceux qui ne sentent que les meurtrissures de la fleur,
Qui les transpercent, qui les entravent,
Qui les désespèrent et finalement les tuent?
Ne leur reste que la notion même d'espoir,
A laquelle se raccrocher,
Fermement se cramponner,
Jusqu'à ce qu'une étoile enfin vienne les sauver,
Réincarnée dans un sentiment que si longtemps elles désiraient,
Sans même qu'elles aient jamais compris le vide de son absence,
Ne reste que l'espoir d'une vie meilleure,
Tu n'es pas mort donc vis encore!
 
                                                                                      Frei Drang.



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